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Samedi matin, a eu lieu à Poligny, l’inauguration de la médiathèque intercommunale Bernard Clavel. A cette occasion, Josette Pratte, veuve de l’écrivain, et présidente de l’association LireClavel a évoqué Bernard Clavel au cours d’une jolie, courte et émouvante prise de parole. Voici le texte de ce discours.
« Que puis-je vous dire ici, aujourd’hui, que vous ne sachiez déjà ? Vous qui êtes de sa terre. Cette Franche-Comté qu’il emportait partout, accrochée à la semelle de ses gros souliers lacés. Des souliers qui, pareils à ceux de Félix, Félix Leclerc, ont beaucoup beaucoup voyagé. Et surtout, déménagé. Pour moi, c’est une toute autre terre que j’ai arpentée avec Bernard Clavel du 1er novembre 1977 à sa mort, le 5 octobre 2010. Une terre que j’ai recommencée à marcher récemment, grâce au soutien des membres de l’association LireClavel dont certains sont ici aujourd’hui. Je les en remercie.
Sa table de travail. Un territoire qui, ma foi, n’était pas bien grand. Mais ô combien exigeant ! Où sont nés tant d’hommes, de femmes, des simples toujours, tant d’animaux, de végétaux, de minéraux dans la peau desquels il se glissait pour leur donner voix. Donner voix à ceux qui ne parlent pas. Ou si peu. Voilà ce à quoi Bernard Clavel a voué son existence. Avec une cohérence, un acharnement, sans faille.
Voilà, me semble-t-il, ce que vous, peuple de Franche-Comté, avez eu le coeur et l’intelligence de reconnaître et d’honorer. Écrire une histoire c’est à la portée de tout écrivain possédant son métier. Mais écrire cette histoire en la chargeant d’un poids humain, avec tout ce qu’elle abrite de joies, de misères, de peines, de travaux, d’espérances, de bavardages ou de silences, c’est ce qui n’appartient qu’à celui qui a dépassé le talent pour être beaucoup plus. Bernard Clavel est de ceux-là.
Ça ne pas fait pas de lui un homme au caractère facile. Non ! Mais un homme bon. Oui ! Mes grands-parents l’ont tout de suite compris. Ma grand-mère, une Rivard, était de la race de qui ont fait le pays, mon pays, le Canada. Autant dire qu’elle n’était pas une sans-voix. Pourtant, lorsque je suis arrivée, sans prévenir, pour leur présenter, à elle et à grand-père, l’Honorable Garon Pratte, cet écrivain français que j’avais rencontré il y avait moins d’une semaine et avec qui je vivais déjà, ils l’ont accueilli à bras ouvert. Bernard était marié. Il avait un an de plus que leur fils, Yves, mon père. C’était une espèce de paysan à l’esprit libre et hardi et qui ne portait pas de boutons de manchettes, pas cravate. Avouez qu’il y avait de qui les refroidir…
C’était par une fin d’après-midi de novembre 1977. La nuit venait de tomber. Grand-père est allé chercher « Les Fruits de l’Hiver » sur un rayonnage de sa bibliothèque en acajou. Gangan a invité Bernard à
s’asseoir dans le salon douillet de la Maison des Braves à Québec. Puis elle s’est dirigée vers le plateau en argent massif où trônaient deux magnifiques carafes.
– Barnard, a-t-elle fait en tendant à Bernard un verre très lourd, en cristal taillé qu’elle venait de remplir d’un alcool transparent auquel elle avait ajouté quelques gouttes d’eau gazeuse. Buvez donc un p’tit gin, ça vous arrangera le caractère !
J’ai eu la chance d’être élevée par des grands-parents doués d’intelligence et de coeur et d’une certaine culture. Le Canada était leur pays. La France : la mère-patrie. Ils sont à mes côtés ce matin pour vous remercier d’avoir inscrit le nom de Bernard Clavel au fronton de votre Médiathèque ».
Josette Pratte, Mme Bernard Clavel
Photo : on coupe le ruban, Josette Pratte est à droite.
Photo : Pascal Chastin / LireClavel
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